Que de questions quand je regarde l’image de la tortue qui avance, laborieusement, pour traverser cette route dans le désert… va-t-elle arriver sans se faire écraser ? Y a-t-il d’autres véhicules ici qui roulent à toute allure, sans se soucier des éventuels passages de tortues ?

Marc m’a dit que c’est sa voiture stationnée plus loin, attendant qu’il revienne. Mais, est-ce qu’il s’est arrêté là, après avoir remarqué la tortue sur le côté ? Ou est-ce qu’il était déjà à l’arrêt et sorti pour photographier autre chose, ou, peut-être, pisser, ou pique-niquer ? Et la tortue, voyant qu’elle ne risquait rien, profitait de ce moment de calme pour tenter la traversée ?

Tant d’interrogations sur une image de Marc, qui a toujours fait des photos emblématiques mais qui nous transportent beaucoup plus loin que l’image elle-même et le papier sur lequel elle est imprimée, qui nous fait rêver d’histoires non racontées mais seulement évoquées et suggérées par l’image.

C’est avec un effort certain que la tortue lève sa patte pour enjamber le sillon de terre, il faut être forte, chère tortue ! A-t-elle des amies tortues qu’elle a laissées ou qu’elle va rejoindre ? Et d’où vient-elle, au fait, de chez elle ? Ou bien, rentre-t-elle chez elle ?

Ou est-ce qu’elle se balade tout simplement, comme Marc Riboud, sur une route désertique, dans ces douces collines de Turquie en 1955 ?

 

Jane Evelyn Atwood
Octobre 2015