Mes yeux et mon objectif se sont parfois fermés devant la violence. Au terme d’une campagne éclair, l’armée indienne libérait le Bangladesh et du même coup les instincts de vengeance.
Dans un stade, après leurs discours, les orateurs donnèrent en prime à une foule exaltée d’hommes, de femmes et d’enfants une poignée de Biharis collaborateurs pour être torturés et transpercés à mort devant les journalistes et photographes. Face à ce spectacle insoutenable j’ai eu la nausée et je courais à la recherche d’officiers indiens. Comment continuer à photographier, à choisir le bon angle devant les cris, le sang et la torture ? Pourtant la publication dans le monde entier des photos prises ce jour-là par d’autres* souleva l’horreur et empêcha le renouvellement de ces violences plus efficacement que les admonestations de chefs d’État.
 

* Horst Faas et Michel Laurent (Associated Press) ont eu le prix Pulitzer dans la catégorie Spot News Photography pour leur sujet « Death in Dacca ».
 

Marc Riboud