Les formes et les cadrages de Marc Riboud sont intenses et forts mais ils ne peuvent se penser sans ce qu’ils représentent : ils nous poussent ainsi à pénétrer dans l’opacité du réel.

Du réel que ce type d’images à la fois dévoile et recouvre.

Un réel sur lequel s’échafaudent et s’écroulent nos réponses et nos questions et qui sans cesse se dérobe.

J’aime que dans les photographies de Marc Riboud la place soit faite à ce qui n’a pas été voulu, à ce qui est accepté sans intention et que l’objectif constate. Ces hasards qui vont peut-être plus loin que le hasard me fascinent, ils portent souvent en eux ce que nous ne savons pas encore voir.

S’il est des photographies qui sont seulement témoignages, celles-ci font de nous beaucoup plus que des témoins : dans le mouvement interrogateur qui nous saisit devant elles et qui ne nous quitte plus, elles nous donnent la sensation bouleversante, à la fois tonifiante et douloureuse, d’être au monde, de vivre, d’appartenir à un tout inépuisable.
 

Pierre Soulages