Chaque fois qu’un photographe pose devant moi quelques tirages, je ne peux m’empêcher, sans même juger la qualité du travail présenté, de placer « l’humaniste » – il s’agit toujours d’un rapport à l’homme – sur l’échelle des valeurs qu’a si bien définie Jean-Paul Sartre. Sartre dit qu’il a connu « l’humaniste qui aime les hommes tels qu’ils sont, celui qui les aime tels qu’ils devraient être, celui qui aime dans l’homme sa mort, celui qui aime dans l’homme sa vie. »

Humaniste qui aime la vie, Marc Riboud l’est. A l’évidence. Dès ses premières photos. Le paon dédaigneux qui visite Jaipur, les retraités de Villeurbanne noyés dans leurs fauteuils, les brumes du Huang Shan, le rire de sa fille jouant avec ses lapins géants, c’est tout cela que Marc appelle le bonheur de l’œil.

Il est aussi celui qui prend parti, qui dit la difficulté d’être Arabe ou Congolais, qui dit les horreurs de la guerre mais qui ne développe pas ses films dans l’hémoglobine. Il n’y a pas de fleur au fusil dans ses planches de contact mais on y voit une fleur qui défie les fusils.

Tout ce qu’on sait de lui, on l’a appris dans ses photos. Sa discrétion, son sens de la mesure et, à toute épreuve, son goût pour la vérité.

Il dit qu’il n’est ni philosophe ni sociologue. C’est vrai. Mais il est un artiste. C’est vrai aussi.

Ce livre en est la preuve. Car il y a là un homme qui transcende le quotidien et dépasse l’anecdote. Le souci de la forme donne à toute image générée par Marc Riboud une spécificité, une exceptionnelle distinction.

 

Robert Delpire